Rester enfermée dans une cave pendant plus de cinq heures n’était pas ce que j’avais espéré aujourd’hui. En fait, j’avais prévu d’aller faire les boutiques avec Maryan parce que cela faisait déjà un bon bout de temps que je ne l’avais pas vu et lorsque je ne la voyais pas, je ne me sentais pas « complète ». Mais elle était souvent occupée et cela faisait un moment qu’elle ne venait plus aux séances photos qu ‘elle devait faire avec Jake, ce que je pouvais comprendre connaissant son passé avec Andy et le présent que ce dernier avec elle aussi. C’était ainsi qu’un fossé s’était installé et fossé que l’on comptait reboucher aujourd’hui mais encore une fois je n’avais pas eu mon avis à donner. Pluie, Orage puis tempête et finalement tornade. Et je m’étais retrouvée dans la cave avec la moitié des habitants de l’immeuble. Certains en pyjama, d’autres prêts à sortir et moi, encore vêtue d’une jupe clair et d’un débardeur et de mon appareil photo que je ne quittais jamais. J’avais voulu profiter de ses quelques heures pour parler à Maryan mais je n’avais pas pu la trouver et après m’être rongée les sens pendant près de quarante minutes, elle m’avait expliquée qu’elle était à l’autre bout de la cave avec Andy. Alors j’étais restée seule, à attendre patiemment. J’avais vu Bekah, j’avais vu Ally et j’avais vu Jake et Wendy. Les gens que j’aimais étaient en sécurité, tout ce que j’avais à faire était prier pour arrêter cette pluie et retrouver la lumière du jour. Ce qui se produisit bien plus tard que prévu puisque les boites aux lettres avaient coincé la porte pendant deux autres bonnes heures et il avait fallu garder son sang froid encore un moment. Entre les cris des bébés, les jeux des enfants qui courraient dans tous les sens, les retrouvailles de certaines personnes, les disputes de couple qui se demandaient s’ils n’avaient pas laissé le gaz ouvert et entre les familles qui téléphonaient désespérément pour avoir des nouvelles de leurs proches à l’extérieur, il était dur ne pas devenir complètement fou. On devait s’occuper de son mieux, et moi je faisais ce qui me calmait le plus, tout comme Jake le faisait en ce moment même alors que nous nous mitraillons avec nos appareils. Prendre des photos, capturer chaque instant : l’innocence de ses petites filles qui pensaient qu’il s’agissait juste d’une partie de cache-cache qui allait toucher à sa fin, les creux sur les joues d’une femme inquiète recherchant son mari, Wendy qui parlait pour passer le temps, ses boucles blondes, Ally qui se rongeait les ongles, encore, Jake et son appareil, Mathis aussi qui ne cessait de jeter un coup d’œil à l’extérieur. Oui, en moins de cinq heures, je n’avais jamais autant pris de clichés et lorsque les pompiers arrivèrent, ma seule pensée fur de me rendre au studio pour les développer et c’est ce que je m’apprêtais à faire quand je reçus un appel d’Andreas. « Je t’écoute. » dis-je alors que je décrochai le téléphone. Je me doutais qu’elle voulait des photos de l’incident et puisque nos relations s’étaient arrangées depuis cette conférence à laquelle on s’était rendu, je me permettais d’aller au but. « Tu sais ce qu’il te reste à photographier. » me dit-elle et elle raccrocha. Oui, je le savais et je savais même exactement où me rendre pour avoir une vue imprenable. Je me faufilai entre les habitants qui se poussaient pour sortir au plus vite et retourner à leurs activités diverses et montais les escaliers puis l’échelle pour atterrir sur le toit de l’immeuble. Je m’avançai et fus surprise par les dégâts que cette tornade avait causé. Et alors que j’empoignais mon appareil pour mitrailler le paysage, une voix me sortit de ma torpeur : « T’approches pas trop du bord, ça serait bête que tu tombes juste pour une simple petite photo », je me retournai vivement et faillais trébucher d’étonnement contre le bord mais me rattrapai au dernier moment en ne manquant pas le fait que Mathis s’était approché de manière à ce que je ne tombe pas. « Mathis. Comme si ça te préoccupait vraiment hein ? Si c’était le cas, tu m’aurais sûrement laissé dormir la veille au lieu de passer l’aspirateur à deux heures du matin » Je le soupçonnais vivement de faire exprès mais je faisais exactement la même chose pour le faire sortir de ses gonds. « Je dois dire que je ne suis pas étonnée de te voir ici, toujours aux premières loges n’est-ce pas ? Un truc me titille, ton truc c’est l’écriture, pas la photographie. Tu fais quoi exactement ?»