Pourquoi fallait-il toujours qu’elle fasse ça ? Enervé et boudeur, Beau avait quitté le petit appartement qu’il partageait avec Rose Lancastel depuis quelques semaines à présent. Leur relation était des plus déroutantes car ils ne cessaient de se provoquer, de se chercher, l’un l’autre. C’était comme s’ils jouaient la victoire à pile ou face, qui résisterait le plus longtemps ? Visiblement, il était évident que le jeune homme avait perdu la victoire cette fois et il se voyait forcé et contraint de s’aérer. Abandonnant son habitat chéri pour le laisser au fauve et à sa maitresse. Agacé, il n’avait même pas pris le temps de réfléchir à ce qu’il allait faire en prenant la porte et en la claquant de toutes ses forces. Une fois sur le palier, il se trouva bien embêté. Bien sûr, il connaissait suffisamment le quartier pour se trouver une occupation mais la vérité c’est qu’il aurait préféré rester tranquillement chez lui. il fallait sans doute qu’il s’habitue au fait de ne plus vivre seul et qu’il apprenne à tolérer la personne d’une autre personne sur son territoire. Il finirait par s’y faire, c’était certain, mais au bout de combien de temps ? Il ne se posa pas de question plus longtemps et décida de se rendre au bar non loin de l’immeuble. Beau était loin d’être un habitué de ce genre d’endroit et on ne pouvait pas dire que c’était ce qu’il chérissait le plus pour occuper son temps, mais il refusait de rentrer et c’était la seule idée qui lui était venue à l’esprit. D’un pas lent et peu déterminé, il avait franchis la porte. À sa tête, on eut dit qu’il venait d’apprendre la mort de son poisson rouge. Un peu exaspéré, il s’installa au bar et attendit bien sagement que le barman s’intéresse à lui et daigne prendre sa commande. Il dut attendre une bonne vingtaine de minutes avant de se voir adresser la parole ! Si au lieu de draguer il avait eu la décence de faire son job correctement, l’attente ne lui aurait pas paru aussi insoutenable. « Qu’est-ce que je te sers ? » C’était la question la plus banale que le pouvait poser dans un pareil endroit. Mais la personne à qui elle avait été posée était loin d’être aussi banal et une simple question pouvait parfois prendre des mesures incompréhensibles. Surtout lorsque Beau Lennon n’était pas d’humeur à se montrer en citoyen civilisé digne de ce nom. « Je sais pas, vous servez des nouvelles vies ? Je veux dire, est-ce qu’il y a dans ce monde à la con quelque chose qui vaille la peine d’être vu ou vécu ? C’est pas comme si tout était obligé d’être pourri ! Alors pourquoi vous, les gens, vous rendez toujours tout chiant et lourd. Non sérieux, vous servez pas des concentrés de vie ? » Le barman arqua un sourcil face à cet énergumène. Il devait sans doute pensé qu’il avait trop bu et que c’était sa manière à lui d’évacuer l’alcool ingurgité. Mais non, il n’avait pas bu. Il était comme ça, Beau. Un peu con, un peu ailleurs, un peu à côté de la plaque. Et franchement, les gens n’aimaient pas vraiment ça. « Un coca, ça te va ? » Visiblement, il n’aurait même pas le droit à une bière ! Paraître saoul avant de l’être ne rendait pas les choses plus faciles, vraisemblablement. L’étudiant fronça alors le nez et jeta un coup d’œil autour de lui et vit, à ses côtés, une jolie brunette qui n’avait pas l’air de boire du coca. « Je veux comme la demoiselle ! » L’homme en face de lui sembla désapprouver mais cela lui passait complètement au-dessus de la tête. Et s’adressant à la jeune fille, il déclara timidement : « Hey, pst, c’est quoi au juste ? » Petit sourire gêné aux lèvres, Beau tâcha de se montrer plus ou moins présentable.