Sa période de mannequin ? Andreas s'en souvenait comme si c'était hier. Elle connaissait assez le monde de la mode pour savoir qu'il était cruel, intolérant, éphémère. Les filles, au moindre faux pas, étaient remplacées le lendemain même sans pitié. On a pas de compassion pour les faibles, on se contente de les évincer, de toute façon y'aura toujours une poignée de nouvelles venues pour remplacer les déserteuses. Autant, ce n'était pas la rigidité impitoyable du mannequinat qui l'avait marquée, mais Vanille. Vanille, une femme française avec l'esprit aussi affuté, froid, dur et tranchant qu'une aiguille, le genre de femme dont il vaut mieux s'éviter l'inimitié. Elle avait vu en elle un don, elle l'avait aidée grâce à ses conseils avisés et à ses relations, à se faire démarquer de la masse babillarde et futile de toutes ces figures blondes, brunes, princesses fades et terriblement fugaces des podiums. Puis, Andy s'était découvert une passion pour le journalisme et elle avait tiré sa révérence à celle qui l'avait aidée sans reconnaissance aucune pour toute l'énergie dépensée à faire d'elle une top modèle de renom. Ce que Vanille n'avait jamais digéré et n'avait cessé de lui rappeler depuis. Voilà pourquoi, aujourd'hui, la directrice du liber-teen n'était pas exceptionnellement ravie d'être liée par le poignet à cette dernière. Comme quoi le hasard fait bien les choses. En silence, elles avaient marché jusqu'à un café pas très loin. Depuis, elles étaient restées silencieuses et, malgré leur opposition, ce silence était devenu pesant pour Andreas qui détestait garder la bouche close plus de quelques secondes, toujours prompte à donner des ordres et rapide à se faire obéir. Au bout de cinq minutes qui lui parurent interminable, la brune déclara « Nous devons passer le reste de la journée ensemble. Ce serait excessivement idiot de s'ignorer jusqu'à minuit vous ne croyez pas ? » .