« Tu n'es qu'un abruti fini. Le jour ou nous serons heureux, c'est parce que je me serais tapé le jardinier et toi la femme de chambre. »La sentence venait de tomber. Après tant d'années de mariage, d'adultères, de mensonges, la blonde plantureuse âgée de trente-sept ans venait de sous-entendre une nouvelle fois à son mari que l'aventure s'arrêtait là. Sauf que, contrairement à la fois précédente, elle se redressa, prit ses affaires et sortit en trombe du cabinet. Non, ce n'était pas un désastre ou un déluge, loin de là : c'était la routine, routine qu'affrontait quotidiennement Sienna Barnes-Eversley, assise derrière son bureau, le visage impassible. Des Rachel van Eltheim qui claquent la porte en défilant perchées sur leurs Louboutin indifféraient la jeune anglaise qui les observait de son air blasé. En fait, parfois, elle riait intérieurement devoir monsieur et madame je-me-la-pète-en-ferrarri-et-pas-toi-nananère se disputer sous ses yeux de psychothérapeute. Certes, son devoir consistait à rétablir le dialogue mais parfois, c'était vraiment trop loufoque, surtout quand le mari en question n'avait aucune idée du pourquoi ni du comment. C'était le cas d'Alfie van Eltheim, un professeur de sciences politiques à l'université de San Francisco âgé de trente-sept ans et plutôt bien foutu, qui ne comprenait pas vraiment pourquoi sa femme devenait soudainement hystérique. « Dites-moi...J'avoue être un peu perdu avec ma femme. Que me reproche-t-elle exactement ? », lâcha l'homme d'un ton serein tout en s'approchant du bureau comme un enfant de six ans l'aurait fait, juste pour être plus proche de sa maitresse. Qui sait, peut être qu'il voulait capter l'aura magique de Sienna et avoir une soudaine révélation. « Monsieur van Eltheim...Avec tout le respect que je vous dois, je remarque néanmoins que nos séances de thérapie n'ont aucun effet sur votre couple, commença l'anglaise avant de marquer une pause, vous savez pourquoi ? Parce que vous êtes ce que l'on appelle communément un salaud. » La jeune femme avait progressivement délaissé son éternel visage impassible au profit d'une mine plus douce, plus compréhensive. Enfin, non, ça ne signifiait pas que Sienna cautionnait son attitude de Don Juan - un coup par-ci avec l'étudiante du cours du jeudi matin, un autre avec la voisine de trente ans - il méritait amplement ce qui lui arrivait. « Un salaud...Alors coucher avec de merveilleuses femmes qui m'entourent font de moi un salaud ? J'ai pourtant fait attention à ce que personne ne soit au courant. » Un instant, Sienna se demanda si l'universitaire ne se foutait pas d'elle. Tenait-il vraiment à ce qu'elle lui balance ce qu'elle avait déduit du personnage à travers les séances de thérapie ? « Bien, je crois qu'il est temps de procéder à des méthodes plus radicales. Un salaud est un connard qui passe son temps à coucher avec la première venue ce qui est votre cas. De plus, votre arrogance, votre prétention et votre égocentrisme que j'ai détecté au cours des séances me laissent à penser que votre femme ne vous mérite pas. En d'autres termes, vous risquez le divorce mais ce n'est peut être pas plus mal. Dois-je continuer? » En voyant la mine déconfite de son interlocuteur, Sienna sut qu'elle était allée trop loin. Peut être qu'elle aurait du se contenter du terme « salaud » et ne pas approfondir. Van Eltheim semblait...Dérouté mais au moins conscient de sa bêtise, surtout lorsqu'on savait que son beau-père était un moyen de pression conséquent quant aux décisions du barreau de San Francisco. « Je vois, répondit calmement l'homme avant de marquer une courte pause, à votre avis, je dois faire quoi pour la récupérer et pour éviter le divorce ? » Le chemin va être long, pensa intérieurement la jeune femme, très long..